Paris, le 30 mars 2015
Lettre ouverte à Madame la Ministre des Affaires sociales, de la
Santé et des Droits des femmes
Pourquoi les orthophonistes sont-ils contre le projet de loi relatif à
la Santé.
Dissimulé derrière le principe du Tiers payant généralisé qui devient un
alibi démagogique et médiatisé, un projet de loi délétère pour notre système de
santé est en train d’être examiné au parlement en procédure accélérée.
La Fédération Nationale des Orthophonistes dénonce cette situation et ce climat
de dialogue social virtuel et de désinformation systématique qui s’est instauré.
Madame la Ministre,
Cette réforme portée par le projet de loi de santé n’est pas une réforme sociale.
Madame la Ministre,
Cette réforme apporte aujourd’hui bien plus de dangers pour les assurés, pour
les patients, que d’avantages.
Madame la ministre,
L’opposition, aujourd’hui unanime, à ce projet de loi n’est pas celle de
« nantis » contre un ministère qui se voudrait réformateur et social. Cette
opposition n’est pas une caricature de jeux politiques ; ce n’est pas celle de « la
droite » contre « la gauche ».
Cette opposition est celle de professionnels de santé qui tous les jours côtoient
des patients et qui s’unissent pour les défendre et pour sauvegarder l’esprit d’un
système de santé solidaire.
Aujourd’hui, Madame la Ministre, les orthophonistes sont très inquiets à
l’écoute de vos déclarations, à la lecture de votre projet de loi, de certains
rapports sortis depuis peu, et des synthèses des groupes de concertation sur cette
même loi.
Les orthophonistes, qui soignent leurs patients chaque jour et touchent leur
réalité quotidienne dans chaque bassin de santé, ne comprennent pas comment
ce projet de loi va permettre une plus grande équité, une meilleure qualité de
soins pour les usagers et pour les patients.
Aujourd’hui, Madame la Ministre, au-delà des effets d’annonce, les
orthophonistes ne voient pas ce projet comme une avancée sociale.
Mais au-delà de ces considérations générales, néanmoins fondamentales pour
chaque citoyen :
- Les orthophonistes ne comprennent pas comment le fait de livrer la Santé
comme une « marchandise » à des entreprises privées, proposant des
complémentaires Santé, est une grande avancée sociale. Nous ne
comprenons pas comment ces assurances pourraient proposer aux assurés
les plus démunis des contrats sans qu’aucun tarif plafonné n’ait été fixé
par l’Etat. Et si le tarif du premier contrat d’assurance est supérieur au
montant de l’Aide à la Complémentaire Santé, comment ces assurés
pourront-ils y souscrire ?
- Les orthophonistes ne comprennent pas que vous permettiez la libre
circulation des données de Santé sans avoir assuré auparavant leur
sécurisation et l’anonymat des assurés sociaux, des patients en particulier.
A l’heure où encore beaucoup de nos patients, sortant de maladie,
n’arrivent pas à obtenir un prêt ou une assurance, qu’adviendra-t-il quand
ces mêmes organismes pourront vérifier eux-mêmes si leur client ne
présente aucune pathologie ?
Et comment se fait-il, alors, que ce fameux dossier électronique partagé
entre professionnels de santé ne puisse toujours pas être mis en place, en
raison de la sécurisation des données de santé exigée, alors que celles de
l’Assurance maladie seront ouvertes ?
Comment garantissez-vous à chacun d’entre nous, aux malades en
particulier, l’anonymat de ces données ?
- Les orthophonistes ne comprennent pas que l’Etat mette à mal le système
de conventions nationales, en ouvrant la porte à plus ou moins long
terme, à des dérives locales. Ces conventions protègent le système et
surtout le patient en obligeant l’Assurance maladie et chaque
professionnel à respecter des droits et des devoirs. Ces mêmes
conventions nationales garantissent le prix de chaque soin, l’installation
démographique pour la plupart de nos professions.
- Les orthophonistes ne comprennent pas quel était l’intérêt de ne dialoguer
qu’avec les seuls médecins en ignorant les compétences de tous les autres
professionnels de santé, créant ainsi des tensions inutiles : depuis de
nombreuses années, les patients sont mieux soignés, et plus rapidement,
grâce notamment à une intervention efficace de leurs soignants, dont la
plupart sont des non médecins.
- Les orthophonistes ne comprennent pas que l’Etat puisse accorder la
subvention de Maisons de Santé Pluridisciplinaires à la seule condition qu’on y trouve deux médecins libéraux à l’heure où on n’en trouve plus
un seul pour venir s’installer dans les campagnes et dans certains
quartiers ? Peut-être n’avez-vous pas pensé qu’un regroupement d’autres
professionnels de santé pourraient justement attirer un médecin ?
Il y a de nombreux autres points que nous n’avons pas compris …et
étrangement, les orthophonistes ne sont pas les seuls …
Le monde de la santé est inquiet et indigné devant la méthode devenue
systématique de mise en œuvre de simulacres de concertations ou de
négociations.
Madame la Ministre, nous le rappelons, cette réforme n’est pas une réforme
sociale.
Les orthophonistes sont dans cette opposition qui, aujourd’hui, est celle de
l’ensemble des professionnels de santé qui tous les jours côtoient des patients,
qui s’unissent pour les défendre, et qui sont aussi des citoyens.
Cette opposition est celle de professionnels de santé qui ne considèrent pas la
Santé comme un « bien comme les autres », comme une « marchandise » que
l’on peut brader au plus offrant, et en particulier à des financeurs privés.
Cette opposition est celle de professionnels de santé qui veulent conserver, en
l’améliorant, le système solidaire issu du Conseil National de la Résistance !
Des propositions nous en avons, pour un système égalitaire et solidaire, pour un
système qui place les acteurs de santé au cœur du dispositif aux côtés des
patients.
Mais est-ce, en conscience celui que vous nous dessinez ?
A l’instar du premier axe de votre projet de loi « Prévenir avant d’avoir à
guérir… », relèverez-vous le défi d’entendre les professionnels de santé
français ?
Aurez-vous le courage politique d’apporter une réponse adaptée à cette situation
sans précédent ?
Fédération Nationale des Orthophonistes – www.fno.fr
145 bd de Magenta – 75010 Paris
Tél. 01 40 35 63 75 – Fax. 01 40 37 41 42 – contact@fno.fr
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